Diamant blanc de 140,5 carats d’une pureté exceptionnelle et d’une taille « brillant » parfaite, « Le Régent », de forme coussin, mesure 30,50 x 28,90 x 20,30 mm. Il est sans conteste considéré comme le plus beau et le plus pur des diamants et son histoire est aussi mouvementée que bien documentée.

Originaire d’une mine de la région d’Hyderabad près de Golconde en Inde, il aurait été découvert, en 1698, par un esclave qui l’aurait caché dans un bandage autour de sa jambe et, s’étant enfui à Madras, aurait tenté de l’échanger à un marin anglais contre son passage pour sa liberté. Le marin aurait assassiné l’esclave pour s’approprier le diamant et le revendre ensuite à un marchand indien, qui l’aurait lui-même vendu ensuite à Thomas Pitt, alors gouverneur anglais de Madras. Les ennemis de celui-ci l’accusèrent même de complicité morale dans cet assassinat, car il est certain que le marchand ne détenait pas la pierre de manière légale, puisque tous les diamants de plus de 10 carats appartenaient alors de droit au souverain de Golconde, et que ce diamant brut en faisait 426 à l’origine. Nul doute donc que le souverain n’aurait pas laissé filer un tel pactole.

Toujours est-il qu’en 1702, Pitt envoie la pierre à Londres pour la faire tailler par le joaillier Harris. Cette taille durera de 1704 à 1706 et donnera – outre celui qu’on appelle alors « Le Pitt » ou « Grand Pitt » – plusieurs pierres de qualité moindre vendues au Tsar Pierre Le Grand.

Thomas Pitt essaie ensuite pendant des années de vendre son joyau à tous les souverains d’Europe. Personne n’en veut, même Louis XIV le refuse en 1714, car il en demande un prix exorbitant.

C’est en 1717, sous l’influence de Saint-Simon, que Philippe II, duc d’Orléans et alors Régent de France, l’acquiert. En son honneur, on donnera donc son nom au diamant qui devient ainsi l’un des fleurons des Joyaux de la Couronne.

Louis XV arbore « Le Régent » une première fois en 1721 lors de la réception de l’Ambassade de Turquie. Puis en 1722, il le fait sertir sur la couronne de son sacre. La reine Marie Leczynska en garnit ses cheveux en 1723 puis, à partir de 1725 et jusqu’à la fin de son règne, c’est en épingle à chapeau que le porte le roi.

Couronne Louis XV

En 1775, il est serti sur une nouvelle couronne pour le sacre de Louis XVI. Ce dernier le portera ensuite sur son chapeau, comme son grand-père. « Le Régent » est volé, en même temps que les autres Joyaux de la Couronne, en septembre 1792, pendant la mise à sac du Garde Meuble de la Couronne et retrouvé en 1793. Il sera alors mis en gage pendant plusieurs années et servira de caution pour régler les dettes du Directoire auprès des banquiers allemands et financer les campagnes de Bonaparte.

En 1801, celui-ci le dégage et le diamant est serti sur son épée de Premier Consul. En 1804, on retrouve « Le Régent » sur la garde de l’épée du sacre de Napoléon Ier.

Puis, en 1812, il est monté sur le glaive de l’Empereur que l’Impératrice Marie-Louise emportera – ainsi que d’autres Joyaux de la Couronne – dans sa fuite en Autriche, lors de la chute de l’Empire. Mais elle sera obligée de les restituer à Louis XVIII par la suite.

Le dernier roi à porter « Le Régent » serti sur sa couronne, sera Charles X en 1825, lors de son sacre. C’est ensuite Napoléon III qui l’arborera sur sa couronne, et enfin, l’Impératrice Eugénie qui le portera à l’occasion de bals aux Tuileries, monté sur un diadème.

En 1887, mis à prix très cher et ne trouvant pas d’acheteur, « Le Régent » échappe de justesse « au dépeçage » que fut la vente aux enchères des Joyaux de la Couronne ; vente qui selon les uns ou les autres : ne représente pas un moment de gloire pour la IIIe République, ou est une honte pour les joailliers de l’époque, ou encore est une catastrophe nationale.

« Le Régent » retourne donc au Louvre dont il ne sortira plus qu’un bref moment à partir de 1940, pour être caché dans du plâtre, derrière le marbre d’une cheminée du château de Chambord durant la Deuxième Guerre Mondiale. Il retrouve ensuite le Louvre où l’on peut l’admirer dans la galerie d’Apollon, non loin de « L’Hortensia » autre Joyau de la Couronne.